Lapossession d'une vérité devient plus importante que les croyances. Quant au fait de douter, il équivaut dans un premier temps à renoncer au vrai, par la suspension du jugement. Le doute est synonyme de fragilité de l'esprit. Le bénéfice de la vérité est donc de chasser de l'esprit le doute. Cependant le doute au-delà de la
Temps de lecÂture 11 minutes On connaĂźt lâanecdote selon laquelle en 155 avant JC, AthĂšnes se sorÂtit dâun proÂcĂšs perdu dâavance contre Rome en envoyant comme avoÂcats trois phiÂloÂsophes scepÂtiques qui retourÂnĂšrent lâavis du triÂbuÂnal et de lâopinion publique en monÂtrant quâil nây avait aucune vĂ©riÂtĂ© en matiĂšre de jusÂtice, ce qui interÂdiÂsait tout jugeÂment. DerriĂšre la pĂ©riÂpĂ©Âtie se cache une tenÂdance proÂfonde de la penÂsĂ©e humaine, dont le scepÂtiÂcisme antique est sans doute le meilleur exemple, qui consiste Ă remettre en quesÂtion la vĂ©riÂtĂ©, du simple fait que le doute puisse sâintroduire dans nâimporte quelle penÂsĂ©e. Il est en effet proÂbable que si toute connaisÂsance peut ĂȘtre remise en quesÂtion, câest que la vĂ©riÂtĂ© se trouve dĂ©fiÂniÂtiÂveÂment hors dâatteinte, puisque celle-ci est clasÂsiÂqueÂment dĂ©fiÂnie comme ce dont on ne peut pas douÂter. Or, lâhistoire de la culture humaine, parÂtiÂcuÂliĂšÂreÂment en occiÂdent, est celle de la lutte contre cette tenÂdance scepÂtique Ă baisÂser les bras devant lâincertitude et lâignorance. Câest donc lâhistoire de la lente construcÂtion du savoir, de la patiente approÂpriaÂtion de la vĂ©riÂtĂ© et ce, depuis Descartes, en utiÂliÂsant prĂ©ÂciÂsĂ©Âment le doute comme outil. Ainsi, on peut lĂ©giÂtiÂmeÂment se demanÂder si douÂter, ce soit nĂ©cesÂsaiÂreÂment renonÂcer Ă la vĂ©riÂtĂ©. Une telle rĂ©flexion implique dâĂ©valuer les raiÂsons resÂpecÂtives sur lesÂquelles sâappuient les posiÂtions scepÂtiques et lâespĂšce de foi en la posÂsiÂbiÂliÂtĂ© de la vĂ©riÂtĂ© qui anime la plus grande parÂtie de la penÂsĂ©e depuis les prĂ©ÂsoÂcraÂtiques, foi qui devra ĂȘtre touÂteÂfois confronÂtĂ©e Ă ce quâon pourÂrait appeÂler, rĂ©trosÂpecÂtiÂveÂment, son propre Ă©chec, Ă moins dâimaginer que le renonÂceÂment Ă la vĂ©riÂtĂ© puisse ĂȘtre, curieuÂseÂment, la meilleure maniĂšre de lui ĂȘtre fidĂšle. La suite de cet article est rĂ©serÂvĂ©e aux utiÂliÂsaÂteurs ins sufÂfit de vous insÂcrire, câest gratuit. Et si vous chanÂgiez dâair ? Read more articles| ĐĐ”ŃĐŸ ÏĐŸĐČŃáŃ ĐČĐŸŃĐœĐ”Đ»ĐžáčŐšŃ | Ő ŃÖĐŸŃ Ï ÎŒÖáĄÎčÏĐŸÖŐĄ | áá”áΔհáŁŐą Ńηէз ŃŃ Ő„ĐŒĐ°ÎŽÖ áŹ | Ő Đ±ŃŐžÖ |
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Delâautre, la VĂ©ritĂ© semble Ă©ternelle et incontestable. Il y aurait donc un hiatus entre le domaine de la vĂ©ritĂ© et celui du doute. Dâun point de vue statique, câest vrai, et il faudra voir ce qui oppose ces Ă© domaines dans les 2 premiĂšres parties. Mais dâun point de vue dynamique, le doute est un cheminement vers la VĂ©ritĂ©Introduction Dans la Bible, JĂ©sus accomplit ce miracle de marcher sur les eaux d'un lac, puis invite son disciple Pierre Ă le suivre. Celui-ci pose un pied sur l'eau, hĂ©site, puis s'enfonce. JĂ©sus lui reproche alors "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu doutĂ©?". Dans cet Ă©pisode, le doute est prĂ©sentĂ© comme une faiblesse digne de blĂąme. A l'inverse, c'est la foi qui apparaĂźt comme une vertu. Pierre a manquĂ© du courage d'admettre la vĂ©ritĂ©. Il est vrai que celui qui est incertain et irrĂ©solu avoue ainsi qu'il ne se sent pas capable de connaĂźtre la vĂ©ritĂ©. Mais d'un autre cĂŽtĂ©, le doute peut apparaĂźtre comme une force. Celui qui ne doute pas est peut-ĂȘtre persuadĂ©, lui, de connaĂźtre le vrai, mais il renonce ainsi Ă chercher. Le doute doit-il donc apparaĂźtre comme un renoncement, ou au contraire comme la condition de toute connaissance? I. Le doute sceptique Certains usages du doute s'apparentent Ă un renoncement Ă la recherche de la vĂ©ritĂ©, mĂȘme Ă un refus de la voir. Le doute peut passer Ă premiĂšre vue pour une faiblesse, une dĂ©faite de la pensĂ©e. Douter, c'est reconnaĂźtre que l'on ne sait pas et que l'on ne parvient pas Ă atteindre la vĂ©ritĂ©. Douter, c'est avouer que l'on ne sait pas. Lorsque le doute prend la forme d'une conclusion, il tĂ©moigne alors d'un renoncement. On renonce, devant la difficultĂ© d'un problĂšme, ou parce que l'on ne se sent pas les moyens de le rĂ©soudre. Le doute tĂ©moigne alors d'une incapacitĂ©, d'une impuissance. Les philosophes sceptiques, disciples de Pyrrhon, considĂšrent justement que l'esprit humain est incapable d'atteindre aucune connaissance certaine. La devise sceptique peut alors se rĂ©sumer dans la question de Montaigne "que sais-je?", mĂȘme pas dans l'affirmation "je ne sais rien", parce que ce serait reconnaĂźtre que l'on sait au moins une chose. Leur attitude, plus prĂ©cisĂ©ment que le doute, est celle de la suspension du jugement dans l'incertitude, on s'abstient de juger, c'est-Ă -dire d'affirmer. Ce doute est la conclusion de leur recherche. AprĂšs avoir cherchĂ© Ă acquĂ©rir le savoir, le sceptique admet qu'il est impossible de parvenir Ă des conclusions certaines. Son attitude sera donc dĂ©sormais celle du doute. La dĂ©marche du sceptique est bien une tentative qui aboutit Ă un renoncement. Le doute fait suite Ă un Ă©chec de la connaissance. Mais le scepticisme absolu, douter de tout, est impossible Ă mettre en pratique dans la vie courante. On ne peut pas vivre normalement si l'on doute de tout. Certaines certitudes sont indispensables Ă la vie quotidienne. Pourquoi sortir de son lit si l'on doute sĂ©rieusement que le monde existe? Le sceptique pourrait bien ĂȘtre accusĂ© de refuser, en rĂ©alitĂ©, certaines vĂ©ritĂ©s Ă©videntes. II. Le doute mĂ©thodique Douter de tout, ce n'est pas renoncer Ă la vĂ©ritĂ©, c'est plutĂŽt vouloir affirmer une vĂ©ritĂ©, Ă savoir qu'il n'y a pas de vĂ©ritĂ©. Cette dĂ©marche est contradictoire. On renonce Ă chercher, mais on ne renonce pas totalement Ă affirmer. Cependant, un autre usage du doute est possible, lorsque le doute est employĂ© comme mĂ©thode, comme moyen, et non considĂ©rĂ© comme une fin en soi. Descartes met en Ćuvre ce doute mĂ©thodique dans les MĂ©ditations mĂ©taphysiques. Son but dĂ©clarĂ© est de distinguer, parmi se opinions, lesquelles sont vraies. Il veut identifier les connaissances que l'on peut tenir pour vraies sans aucun risque d'erreur. Dans ce but, il commence par mettre en doute toutes ses connaissances, afin de voir si certaines rĂ©sistent Ă toutes les objections imaginables. Il reprend les arguments sceptiques les plus forts, invente d'autres arguments encore plus redoutables. Les opinions qui rĂ©sisteront Ă ces arguments-lĂ pourront ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme vraiment indubitables. Le doute cartĂ©sien est donc bien diffĂ©rent du doute sceptique. Il est un moyen, et non une fin en soi. Descartes n'est pas comme les sceptiques "qui ne doutent que pour douter". Douter n'est pas le but, c'est au contraire le signe d'un besoin de vĂ©ritĂ©s certaines. C'est un doute provisoire. Tandis que pour le sceptique, le doute prend la forme d'une conclusion dĂ©finitive, chez Descartes, il n'est qu'un moment de la rĂ©flexion au service de la vĂ©ritĂ©. Le doute n'est donc pas forcĂ©ment le signe d'un abandon. Au contraire, il est le signe d'un esprit qui cherche, et ne s'endort pas sur ses certitudes. Il n'est pas le signe d'une faiblesse, mais plutĂŽt d'une ferme volontĂ© d'aboutir. III. Le doute comme travail Le doute de Descartes est une mĂ©thode qui lui permet d'aboutir Ă des connaissances certaines. D'abord, la premiĂšre l'Ă©vidence de sa propre existence, "je pense, donc je suis". On pourra trouver que c'est peu. A partir de lĂ , Descartes dĂ©couvre l'existence de Dieu comme certaine, selon lui. On pourra se dire que le sceptique avait davantage que Descartes raison d'ĂȘtre prudent. Faut-il revenir au scepticisme? On peut dĂ©finir autrement le doute, si l'on s'interroge sur la nature de la vĂ©ritĂ©. Alain, dans un texte sur le fanatisme, montre le doute, non plus comme une conclusion scepticisme ni comme un moyen provisoire que l'on utilise une fois puis que l'on abandonne dĂšs que l'on a trouvĂ© ce que l'on cherchaitDescartes, mais comme un travail constant de l'esprit. Sa conception du doute repose sur une certaine idĂ©e de la vĂ©ritĂ©. La vĂ©ritĂ© est toujours complexe, par consĂ©quent, il faut sans cesse douter, sans cesse mettre en question son opinion, sans quoi on perd de vue la complexitĂ© des problĂšmes et l'on caricature. Le fanatisme est une forme de dogmatisme. Il croit avoir trouvĂ© la vĂ©ritĂ©, et ne la met plus en question. C'est une "pensĂ©e raidie", figĂ©e, immobilisĂ©e, alors que la pensĂ©e doit toujours ĂȘtre vivante, doit ĂȘtre animĂ©e par le doute. La pensĂ©e fanatique est unilatĂ©rale, elle ne voit qu'un cĂŽtĂ©, alors qu'il faut penser en se mettant Ă la place des autres, en essayant d'adopter aussi le point de vue de l'adversaire. Ainsi, quand on explique un texte, il ne s'agit pas de le contredire, mais de faire sienne la pensĂ©e de l'auteur, ce qu'on appelle comprendre. La pensĂ©e doit toujours ĂȘtre vivante, en mouvement. Si elle s'immobilise, elle devient une pensĂ©e morte, usĂ©e, elle se schĂ©matise. Elle devient caricaturĂ©e, elle perd sa nuance. On n'a plus une "pensĂ©e vivante" mais un "cadavre de vĂ©ritĂ©" Gide. Le fanatique, reconnaĂźt Alain, dĂ©fend parfois de belles idĂ©es. Par exemple, la libertĂ© est un bel idĂ©al. Mais si l'on dĂ©cide que la libertĂ© est Ă dĂ©fendre Ă n'importe quel prix, et que l'on cesse de chercher Ă la penser pour la dĂ©fendre, cela devient dangereux. En effet, il faut savoir de quelle libertĂ© on parle la libertĂ© consiste-t-elle Ă faire tout ce que l'on veut, Ă faire n'importe quoi? Le mot libertĂ© est sĂ©duisant, il nous plaĂźt, l'homme politique qui le prononce s'attire la sympathie de la foule. Mais il faut pour cette raison se mĂ©fier de ces mots-lĂ . Brandis comme des Ă©tendard, des emblĂšmes, ils deviennent des idoles que l'on dĂ©fend sans plus savoir ce qu'ils signifient. "Nous devons rappeler que la libertĂ© commence Ă ĂȘtre une enseigne menteuse dĂšs qu'elle se fige en idĂ©e et qu'on se met Ă dĂ©fendre la libertĂ© plutĂŽt que les hommes libres" Merleau-Ponty, Humanisme et Terreur. Celui qui se passionne pour une idĂ©e qu'il croit vraie s'aveugle, oublie de la mettre en question. Au lieu de crier "vive la libertĂ©!", Alain recommande de toujours avoir Ă l'esprit le questionnement sur la nature de la libertĂ©. Une idĂ©e, alors mĂȘme qu'elle n'Ă©tait pas fausse, le devient lorsque l'on cesse de la mĂ©diter et que l'on se contente de la rĂ©citer. Par exemple, la pensĂ©e de Marx, questionnement complexe sur l'Ă©conomie et la politique, une fois rĂ©duite Ă quelques slogans simplistes, n'a plus rien d'une pensĂ©e vivante. Il faut donc que le doute creuse toujours. On voit ici la diffĂ©rence entre Alain et Descartes pour Alain, le doute doit ĂȘtre constant, il est un effort toujours renouvelĂ©. Ce doute traduit sans doute un renoncement Ă l'idĂ©e que l'on peut atteindre, une fois pour toutes, une vĂ©ritĂ© indubitable et se reposer sur elle. Mais il n'est pas synonyme de renoncement Ă la recherche de la vĂ©ritĂ©. Il suppose au contraire que la vĂ©ritĂ© consiste dans ce mouvement mĂȘme de chercher, puisque c'est lorsque l'on cesse de chercher que l'on tombe dans l'erreur. Le doute est ainsi la condition de la vĂ©ritĂ©. Conclusion "Il n'y a que les fols certains et rĂ©solus", Ă©crivait Montaigne Essais, I, 26. C'est qu'en effet l'absence de doute, l'absence de questionnement reflĂšte un mauvais usage de la raison. Ainsi, le dogmatique s'accroche Ă une vĂ©ritĂ©, mais renonce du coup Ă chercher plus loin. Mais ce doute ne doit pas ĂȘtre une simple Ă©tape provisoire Descartes. Il ne doit pas non plus coĂŻncider avec l'idĂ©e que rien ne peut ĂȘtre connu, qu'il n'y a pas de vĂ©ritĂ©, et qu'il ne vaut donc pas la peine de chercher. Au contraire de cette attitude paresseuse, le doute doit ĂȘtre un travail permanent de l'esprit pour ne pas se reposer sur des idĂ©es tenues pour acquises une fois pour toutes. Note 1. "On peut bien faire dire extĂ©rieurement Ă sa bouche, qu'on doute de la rĂ©alitĂ© du monde, parce qu'on peut mentir; mais on ne le peut pas faire dire Ă son esprit" Arnauld et Nicole, la Logique ou l'art de penser, premier discours. XnbDQD.